Un moraliste 2

S’appuyant sur l’élan de son exposition "Joli comme un mouton" en 2024 au Palais Royal à Paris, organisée par Asian Art Bridge, Duong Thuy Duong explore désormais l’aquarelle sur papier - un médium dont la délicatesse, la fluidité et l’imprévisibilité deviennent le cœur de sa nouvelle série de portraits.

Dans ces œuvres, la technique est primordiale. Duong pousse l’aquarelle bien au-delà de sa légèreté habituelle, travaillant la relation subtile entre pigment, eau et texture du papier pour atteindre une densité rare. Les pigments s’infusent dans les fibres, se diffusent, se chevauchent, créent des auréoles et des dégradés d’une douceur presque atmosphérique. Par endroits, la couleur se sature jusqu’à tendre vers l’opacité ; ailleurs, elle se dilue en voiles translucides qui laissent apparaître la trame du papier.

L’interaction entre l’eau, le geste et la matière devient une surface vivante. Duong utilise l’absorbance du papier, sa rugosité ou sa finesse, pour guider le rythme de ses coups de pinceau, la formation des contours, ou au contraire leur dissolution. Elle alterne ainsi entre maîtrise précise et abandon, laissant le médium générer sa propre architecture organique. La profondeur naît de la superposition des lavis, d’un jeu optique plutôt que d’une accumulation de matière.

Ces portraits semblent moins peints que révélés par la matière même du papier. Ils captent une présence faite de texture et de souffle : le léger gondolage de la surface, les bords plumeux des couleurs diluées, la tension entre zones saturées et contours qui se dissolvent. Une vulnérabilité calme en émane, portée autant par l’alchimie eau-pigment-papier que par la sensibilité de l’artiste.